Chères et chers,
Et voilà, encore une infolettre du Dimanche…*
Commerçons donc ensemble ce soir, pour cette 4e infolettre qui donne tant des nouvelles de la librairie que les états du libraire je crois bien.
Tout d'abord bienvenues à toutes et tous les nouvelles inscrits sur cette liste, vous êtes de plus en plus nombreux. À croire que la vie d'une librairie serait chose politique importante. Nous en reparlerons plus bas…
Bien, bien…
Éh bien ! Tout aussi d'abord, merci à celles et ceux qui profitent du 3615 que Vincent, le geek professionnel, et moi-même tentons d'améliorer tous les jours… (enfin, surtout lui…) Outre que cela entretien le commerçe que vous et moi avons, ça me dérouille un peu, et ajoute un peu d'épinards, qui sont tout frais, d'ailleurs… !
La reprise (action de raccommoder une étoffe déchirée ou trouée, qui consiste à faire passer et repasser des fils à l'endroit endommagé de manière à la reconstituer. déf. Cnrtl) s'annonce donc un drôle de Patchwork…
En attendant de remettre sur le métier l'ouvrage, œuvrons donc à réfléchir le métier…
Je l'ai déjà exprimé, libraire est un métier que j'aime profondément, et c'est le seul que je considère posséder un tant soit peu (ou qui me possède, d'ailleurs.)
Il y a dedans la fonction de passeur, le rapport au livre, à l'imaginaire, à la pensée, à la transmission d'icelle dans nos sociétés de l'Écrit…
Il y a ce contact, ce lien de tissage de nos parcours respectifs de lectrices, lecteurs, libraires, parcours qui se nourrissent mutuellement (« tu l'as lu ça ? »).
Il y a toute la part de l'ombre du métier : rangement, classement, commandes, travail avec les éditions, les distributeurs, les auteurs, autrices, et divers fournisseurs, qui est motivante par moments, par certains aspects, prise de tête par d'autres, mais qui constitue le cœur de la mécanique, les rouages du métier.
Et il y a la part d'ombre.
Celle qui fait que nous ne sommes pas des bibliothécaires, hélas. C'est la part financière. La visée nécessaire de l'équilibre financier du projet. (t'as vu, on peut dire le mot rentabilité d'une autre façon !). Ce qui fait toute la gestion comptable du bouzin.
Aujourd'hui j'assume toutes ces parts seul, avec plaisir, douleurs et procrastination.
Mais demain, je ne sais pas bien comment continuer seul. Pour plusieurs raisons.
Tout d'abord c'est une réflexion sur ce que peut être une librairie associative.
À ce jour, l'association Le Jardin Statuaire n'a que peu d'existence associative réelle. Pour preuve l'assemblée générale qui n'aura réuni sur 120 adhérent.e.s que 5. Et le fait que tout le travail associatif n'est réalisé que par une seule personne.
Dans l'absolu, ce n'est pas un souci, c'est jusque là assumé. L'idée de base était de transformer l'association en entreprise dès que possible. Et assumer mon métier, mes expériences, mes compétences, tant en tant que libraire, que dans l'action culturelle (événements mensuels variés), me convenait bien jusque là.
Demain, je ne sais pas.
S'il est clair qu'à terme je vais devoir pouvoir m'assumer financièrement moi aussi (dégager de quoi payer mes frais de vie personnelle : loyer, alimentation, santé et éventuellement loisirs). Il semble que ça va pas être facile ni tout de suite, ni tout seul. Et peut-être encore moins demain, après la « crise ».
C'est la question sur nos modes d'organisations qui se soulève ici, il me semble.
Je veux dire au sens large.
Comment on se soutient les unes les autres n'est même pas, je pense, le point réel.
Mais plus, comment on vit et fait vivre ensemble dans une structure sociale définie comme le pays, le village. Quand je dis le pays, je reviens aux fondamentaux : le paysage, les confins, ici, c'est le Trièves et le village, c'est Mens, interdépendants – comme intercommunaux : ce n'est pas pour rien qu'il existe des structures comme les communautés de communes et qu'elles peuvent faire sens, si elles s'affranchissent du clientélisme qui a construit la politique professionnelle jusqu'alors.
Comment se fait-il que nous n'ayons pas d'AMAP dans le Trièves ? Nous sommes heureuses que nos producteurs et productrices locales existent, les soutenons en achetant…
… attendez, là.
On soutient les producteurs et productrices ?
Mais en fait, c'est elles et eux qui nous soutiennent : ces personnes nous nourrissent.
Alors qu'est-ce qui se passe quand la grêle détruit une part des récoltes ? On ne peut pas acheter les belles courges, ou moins. Alors on soutient moins. Parce que le prix des courgettes va pas augmenter pour compenser.
Les questions seraient plutôt :
Quel est mon budget alimentaire ?
Qu'est-ce que je mange ?
Quel temps puis-je y consacrer ?
À quoi suis-je prête à renoncer ?
Je dévie ?
Pas tant que ça je pense.
On en reparlera, car il me semble nécessaire de prendre le temps de l'urgence :
« il est urgent de prendre le temps ».
Cette course que d'aucunes et beaucoup d'entre nous dénoncent souvent, nous embarquent toutes et tous bien facilement… Preuve en est de nos facilités à cliquer pour recevoir 3 jours après le bien que nous voulions. (Nos biens nous veulent-ils du bien ? Peut-on vouloir le bien et le bien de quelqu'un, ah ah ! … pardon…)
Bref, de grandes questions qui n'appellent de réponses non pas que dans le théorique, mais bien dans le pratique à venir.
Bien.
Pour en revenir à nos moutons de papiers (ou électriques pour les amatrices de SF) et voir comment bien préparer l'apprêt avant que tout ne parte vraiment en cacahuète, même si c'est déjà bien à la noix…
Pour commencer une bonne nouvelle : Le syndicat de la Librairie Française propose bien des choses intéressantes (à lire ici) et surtout, appelle à des États Généraux.
On peut toujours douter du bien fondé de ce genre d'initiatives, mais si on croit encore un tant soit peu à une activité qu'on exerce, il me semble toujours bien de la remettre en question. À toutes les échelles et en fait, à tout engagement.
La parole.
Quand je dis à toutes les échelles, je pense aussi bien à soi, au couple, à la famille, à nos groupes, nos associations, nos entreprises, au quartier, au village, au pays, au département, à la région, à l'état, au continent, au monde. Le reste, on a pas encore prise et j'espère jamais, vilaine espèce humaine qui veut tout régir.
Oui, oui, oui, belles paroles d'utopie que voilà. Elles me hantent depuis l'enfance et de les exprimer ou les poser m'a valu bien des baffes ou des moqueries.
Des baffes ou brimades dans le cercle familial que j'ai beaucoup questionné. Eternelle pièce rapportée dans une famille recomposée, puis dans tous mes groupes sociaux où ce fut plus des moqueries que des baffes, devenu habile à les désamorcer, sinon esquiver…
Questionner. Requestionner, valider, invalider, requestionner, confirmer, infirmer, critiquer, remettre à l'ordre du jour, avancer, faire un pause, regarder le temps passer (hélas, c'est toujours dans un battement de cil, on ne le voit pas passer !!).
Questionner, exprimer, partager nos expériences. Vivre l'intime comme une expérience à partager plus qu'à protéger. Mais choisir avec qui et quoi partager. (je fais référence ici à la surveillance).
Je m'égare ?
Pas tant que ça je pense.
J'arrive à la fin des 3 pages et je n'ai presque pas parlé de la librairie.
Vraiment ? Je crois n'avoir fait que ça.
Quel autre commerce qu'une librairie peut prétendre à tant de commerces entre les personnes ?
Je vous invite à lire ici la définition de commerce, et à noter que le I est avant le II ;)
Ainsi, avec vous et par toutes ces petites pistes lancées, se dessinera l'à venir de la librairie, tant celle-ci, La Palpitante qui nous est déjà si chère (encore la même analogie) que de ce métier plus largement.
Et une envie que j'exprime et qui me titille, sans me tarabuster, ouvrir un Forum, mais plus dans sa version B que A ;) bien que encore une fois, on peut voir quels commerces se frictionnent à ces endroits…. On notera d'ailleurs que le B du I de commerce rejoint le B de forum… éhéhé…
Et qu'il est question de Marchés public, qui nous manquent bien pour les commerces que nous pouvions y faire et nouer…
Donc, comment faire du commun de nos commerces ? En faisant forum… et comment !
Comment, oui, d'ailleurs, et bien, nous verrons bien.
Sur ce, camarades bien accros à l'écrit,
je vous salue bien.
Raphaël
bien confiné.
Petit jeu encore : combien bien ?
Petite musique de l'objet du courriel : Mai mai mai…
*Petite étoile : La prochaine infolettre du Dimanche sera donc, le 10 Mai… sera-t-elle la dernière ? Ou peut-être, comme c'est à la mode, sur volontariat ? On en reparlera la s'maine proxima ! ;)